Quand le féminin monte sur le trône

Quand le féminin monte sur le trône

Blog

2025-07-02 11:59:11

Ashimwe ciella


 

Le 26 juin à Buja Sans Tabou, la metteuse en scène Odile Sankara nous a offert, avec la pièce Et que mon règne arrive de Léonora Miano, une secousse douce et radicale. La veille, elle nous livrait une masterclass généreuse, presque une initiation à l’art d’être vrai sur scène. Puis vint la pièce. Une onde théâtrale d’1h20, entre vertige politique, vérité charnelle et comédie frondeuse. 


C’était un mercredi. Le genre de mercredi le ciel semble suspendu à quelque chose d’important. Ce 25 juin, Odile Sankara nous convoquait, non pas au théâtre, mais à la source. Masterclass. Mais pas une masterclass PowerPointée et désincarnée. Non.


Une parole nue, posée, ancrée. Elle nous a parlé de l’art comme d’un chemin de vérité, de la scène comme d’un espace d’honnêteté, d’exigence, d’intimité avec le monde.
 

Elle disait : “Il faut être nu devant le texte. Nu devant la scène. Nu face à soi-même.” 

Elle disait aussi : “Le théâtre n’est pas pour plaire. Il est pour dire.” 

Alors j’ai pris des notes. J’ai ouvert mes oreilles. Je me suis dit : « Demain, ce sera fort. » 

Mais en vérité, je ne savais pas encore à quel point. 

 

Quand les mots deviennent des armes douces 

Et puis la pièce a commencé. Et que mon règne arrive. Et moi, j’ai arrêté de respirer. 

Trois personnages : Eyitope Osimore, l’intellectuelle en colère lucide ; Tedoxe, la jeune fille en quête de repères dans un monde bancal ; Untchu, l’homme du coin, drôle, piquant, parfois dépassé. 

 

Un trio étrange, presque triangulaire, évoluant dans une scénographie sobre, presque sacrée. 

Mais c’est dans le texte que le feu couvait. Léonora Miano ne caresse pas le monde dans le sens du poil. Elle rase la barbe du patriarcat au coupe-chou. Et quand elle parle féminité, ce n’est pas avec les paillettes de la sororité tendance, mais avec les nerfs à vif d’une parole ancienne, souterraine, brûlante. 

Ça parle de féminisme, oui. Mais pas celui qui fait tendance. Ça parle de pouvoir, mais pas celui qu’on prend : celui qu’on incarne. 

 


Une scène comme un champ de bataille amoureux 

 

Ce qui se joue ici, ce n’est pas juste une lutte. C’est une danse de forces. Les dialogues claquent comme des coups de fouet et parfois, tendrement, deviennent des murmures qui vous percent l’âme. C’est que réside la force de la mise en scène d’Odile Sankara : dans cette capacité à nous tenir au bord du rire et du frisson, sans jamais tomber dans le sermon. 

Elle laisse respirer le texte, donne de l’espace aux silences, aux regards, à l’indicible. 

 

Et les comédiens ! Mon Dieu. Quelle présence scénique. Quelle densité. Il y avait quelque chose de viscéral, de nécessaire dans leur jeu. 

 

Ce n’était pas une pièce. C’était un règne. 

 

À la fin, je ne savais plus très bien si j’avais vu une pièce ou si j’avais été convoquée à quelque chose de plus grand. Une sorte de rituel. Une passation symbolique. 

Car le « règne » dont il est question ici n’est pas un trône doré, ni une revanche historique. C’est une révolution des sensibilités. Une parole féminine qui ne cherche pas à dominer mais à réenchanter le monde. À y remettre du souffle, du soin, du chaos fertile. 



 

Merci Odile Sankara. Merci Léonora Miano. Merci Florisse Adjanohoun, Safoura Kaboré et Emmanuel Rotoubam Mbaϊdé. Ce n’était pas une pièce. C’était une transmission. Et que son règne continue.

 

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