
Intara Zirakina : quand le théâtre prend la route
Il y a des projets qu’on regarde avec les yeux, et d’autres qu’on sent battre au creux du cœur. Intara Zirakina appartient à la seconde catégorie. Avec pour alliés Brot für die Welt et Africalia, ce projet trace, depuis 2022, une route poétique et engagée vers les collines de l’intérieur du Burundi. Non pour y planter des drapeaux, mais des scènes. Non pour y chercher des trésors, mais pour y révéler ceux qui y vivent. Voici l’histoire d’un théâtre qui, loin de la capitale, apprend à marcher en province, au rythme des voix locales qui n’aspiraient qu’à éclore.
Il arrive que des idées naissent à Bujumbura et y restent. Trop lourdes pour franchir les montagnes, trop frileuses pour quitter les projecteurs familiers. Mais il arrive aussi que certaines idées se lèvent, prennent leur baluchon, et aillent voir plus loin si la beauté du monde n’y serait pas encore plus vibrante. C’est exactement ce que fait Intara Zirakina depuis 2022.
Porté par l’énergie de passionné·e·s, ce projet ne vise ni les records,
ni les médailles. Il cherche autre chose : un partage. Un échange. Une manière de dire que le théâtre
n’est pas une exclusivité
citadine mais un langage profondément humain, capable de prendre racine à
Gitega, Ngozi, Makamba, Kayanza… et bien au-delà.
Gitega, la première flamme
C’est à Gitega que le feu a été allumé. On y a dressé une scène là où d’ordinaire on dresse des bancs d’école ou des étals de marché. Et très vite, quelque chose s’est passé : les regards ont changé.
On ne venait plus seulement pour voir,
mais pour dire. Dire sa vie, son village,
ses colères, ses rêves. Ce n’était
pas du théâtre importé : c’était le théâtre exporté vers les tripes, tiré du terreau
local, éclos en silence.
Trois provinces de plus, une promesse tenue
Aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, trois provinces supplémentaires ont accueilli Intara Zirakina : Ngozi, Makamba,
Kayanza. À chaque fois, c’est une nouvelle
respiration. Une nouvelle manière de conjuguer l’art
avec le réel. Une nouvelle fournée d’artistes qui, hier encore, n’avaient pour scène que le pas de leur porte. Des hommes et
des femmes, des jeunes souvent, qui découvrent
qu’être comédien ou comédienne n’est
pas une folie,
mais une force.
Le
théâtre professionnel n’y est pas parachuté : il y est semé, cultivé, aimé. On y forme, on y
accompagne, on y rêve en équipe. Et soudain, dans une salle municipale, une cour d’école
ou un centre culturel, les
rires fusent, les silences pèsent, les personnages s’éveillent. On n’est plus
spectateur : on devient partie prenante.
Un projet, oui, mais surtout une aventure humaine
Il serait trop simple de parler d’un « projet ». Intara Zirakina, c’est une aventure. Une invitation à réécrire les cartes culturelles du pays en y ajoutant des étoiles là où il n’y avait que des marges. On n’y cherche pas la rentabilité, mais l’impact. Pas le prestige, mais la transmission. C’est une réponse sensible à une question que beaucoup se posent sans oser la formuler : le théâtre peut-il vraiment exister loin de Bujumbura ?
Et la réponse, incarnée, criée, jouée, c’est oui. Mille fois oui.
Merci, et surtout : à suivre…
À Brot für die Welt et Africalia, nous disons merci.
Pas seulement pour les financements. Pour avoir cru que là-bas,
entre deux collines
ou au bord d’un champ,
un comédien pouvait naître,
une metteuse en scène pouvait
grandir, un spectacle
pouvait toucher.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Intara Zirakina continue. Et les prochaines provinces seront : Cibitoke et Kirundo. Le théâtre a encore beaucoup à dire, et surtout : beaucoup à écouter. Et qui sait ? Peut-être que la prochaine scène surgira à Rumonge, à Muyinga ou ailleurs, portée par la conviction que la culture n’est pas un luxe, mais un droit.
Alors oui, Intara Zirakina, c’est génial. Pas parce que c’est beau même si ça l’est. Pas parce que c’est ambitieux même si ça l’est aussi. Mais parce que c’est juste, humble, vivant. Et que dans chaque province où il passe, il rallume une petite lumière que l’on croyait éteinte.