Depuis littéralement plus de six mois, une amie m’avait parlé du fameux festival Buja Sans Tabou. « Ndagusavye Noe uzoze », ne cessait-elle de me supplier. « Aaahh, les artistes et leurs histoires », me disais-je dans ma petite tête. C’est à peine si je comprends sa passion, une obsession presque, pour l’art mais aujourd’hui je me promets d’essayer de me prendre au jeu et de jouer la spectatrice captivée.
Je cède finalement au ‘harcèlement’ de ma chère amie et me décide d’aller assister au spectacle de la fameuse troupe des Enfoirés de Sanoladante. Aux environs de 17h 46 minutes, je quitte mon lieu de travail, direction l’Institut Français du Burundi. Le panel qui devait débuter le programme du jour a déjà commencé depuis plus de 15 minutes maintenant. Je ne suis pas une retardataire d’habitude, mais bon, la journée de travail était plutôt longue aujourd’hui.
J’entre dans la médiathèque et comme je m’y attendais, ils ont déjà commencé à échanger sur la thématique de la mobilité artistique. Alors, en toute honnêteté, j’ai eu beau me concentrer sur les échanges entre Sheilla, la modératrice, et les quatre autres invitées présentes, mais je n’arrivais pas à me mettre dans le bain de la thématique. Mais, j’ai quand même appris une ou deux choses, à savoir qu’il existe divers réseaux d’artistes dans la région Est-Africaine qui offrent une plateforme aux artistes d’ici et d’ailleurs dans la région afin qu’ils aillent y présenter leurs œuvres dans l’espoir de percer au niveau intercontinental. En bref, je dormirai moins bête quand même aujourd’hui.
Vers 19h, nous quittons la médiathèque pour nous installer dans le bistrot où aura lieu la fameuse pièce « Les rassérénées », interprétée par la troupe des Enfoirés de Sanoladante. Lumières éteintes, silence dans l’espace malgré les quelques chuchotements ici et là, la première actrice entre sur scène. Bon, je ne sais pas si vous avez déjà regardé la fameuse très flippante série ‘YOU’, mais si vous l’avez déjà visionnée, je vous informe que la scène ressemblait énormément à la grosse boite en glasses dans laquelle le psychopathe…pardon, le très talentueux acteur qui a incarné le rôle de Joe Goldberg, séquestrait ses futures victimes.
A travers le regard d’une femme…
Accoudée sur les hauts comptoirs du bistrot de l’IFB, je dévore la pièce à petites cuillerées car oui c’est plus que captivant mais l’art…eh bien…n’est pas toujours facile à interpréter. Au bout de quelques minutes, j’arrive à avoir une brève idée de ce dont la pièce parle. Menstruation, douleurs et souffrances en silence de la femme Burundaise, un autre sujet tabou qu’on expose, je me dis. Même pas en rêve. Je suis toujours à mille lieux du vrai sujet tabou que la pièce va dévoiler au grand jour. Petit à petit, je me laisse emporter par le déroulement de la pièce. Son, lumière, voix à peine audible malheureusement mais qu’on a quand même entendu, tout se mélange en pleine harmonie pour un résultat envoutant. Je ne suis plus juste spectatrice. Non, je suis une femme, LA FEMME comme présentée dans la pièce, dans toute sa splendeur et toutes ses cicatrices voilées pour ne pas que le monde la juge de ne pas être tel qu’il désirerait la voir.
On parle de règles douloureuses, de la relation mère-fille, des jeunes ‘fille-mère’ comme on aime tant les appeler ici au pays, de fausses promesses d’amour, de gestes déplacés, de consentement, de viol, d’avortements, et enfin de CHOIX. Un choix dont tant sont privées, se résignant à mettre en avant les désirs des autres et de faire taire leurs cœurs, comme l’a parfaitement incarnée une des actrices à travers un assez long monologue. Chacune des deux actrices sur scène, nous conte son histoire et je me surprends à m’identifier dans plus d’un scenario. Est-ce qu’on a toute vécu la même chose, à la fin ? Je crains que oui.
Déjà la fin ?
C’est avec un peu de regrets que je quitte les lieux aux environs de 21h alors que les légendaires RunTown DJs s’installent sur scène. Je dois rentrer tôt et me coucher tôt car je travaille demain. Mais je suis quand même satisfaite. Le spectacle m’a parlé et plus important encore il a parlé à mon corps de femme, à qui je profite pour demander pardon de l’avoir tant de fois privé de faire un libre choix.
IHORE IHORE IHORERE,
HORA MAMA,
IHORERE.