Gatumba, victime de la submersion des eaux de la Rusizi.
Un vendredi pas trop ensoleillé vers 13h, le 24 novembre, huit jeunes gens de Buja Sans Tabou se dirigeaient vers l’ouest de la ville de Bujumbura en commune Mutimbuzi. Un spectacle qui, cette fois-ci, était présenté en dehors des enceintes de BST.
Nous traversions quartier par quartier, pressés d’arriver à notre destination pour une nouvelle aventure. Nous avons traversé les belles plages du fameux quartier Kajaga, qui évoquaient des moments où je venais dans ces parages à la recherche d’un bel endroit pour profiter des doux bruits des vagues, et respirer l’air frais que nous offre le magnifique lac Tanganyika.
Juste à quelques mètres de là, une vue splendide de la Rusizi, nous attendait. L’une des plus grandes rivières du Burundi, riche en écosystème, offrant un panorama combiné d’arbres tropicaux, une grande étendue d’eaux jaunâtres et des centaines d’hectares couverts par des herbes aquatiques. Enfin, notre chauffeur, avec un sourire sur ses lèvres, nous a déclaré que nous étions enfin arrivés à notre destination : KUMASITE.
Visite de l’Organisation Internationale pour les Migrations à ‘KUMASITE’.
Juste après avoir franchi une petite ruelle boueuse, nous avons traversé une immense vallée verte, laquelle à quelques pas, était couverte par des centaines de tentes étalées tout autour, avec des inscriptions OIM à l’arrière. Hommes, femmes, enfants ; tous étaient présents pour cette belle journée où l’organisation qui leur vient souvent en aide, était de retour et certainement avec de belles surprises.
L’objectif de cette visite pour la BST était d’appuyer l’OIM dans la sensibilisation sur les moyens de se protéger lors des inondations ainsi que de rappeler les méfaits causés par l’inondation.
‘Igikorwa co gukabura mu kibano kw’ikoreshwa ry’ivyategekanijwe n’amakarata ndondabiza hamwe n’ingingo ngenderwako zo gutanga imburi imbere y’uko ikiza gishika’
Une voix retentit, soudainement, annonçant au public l’arrivée de nos prestataires.
Inondation.
C’est un théâtre interprété par une troupe de 4 jeunes pleins d’ambition, d’énergie, présenté en Kirundi et, maîtrisant gracieusement un rythme uniforme, se mettant parfaitement dans la peau de leurs auditeurs.
Une dame très soigneusement habillée, visite le site pour leur annoncer que l’inondation est un événement tragique, connu de tous, nécessitant de bonnes mesures de protection, après cela elle quitte ces lieux. Deux femmes furieuses en colère contre ces gens qui ne font que raconter les mêmes balivernes, se croyant aussi malins pour se protéger contre cette peste.
Le village pleure, se lamente pour ce sort qu’ils allaient encore une fois subir, les laissant sans abris, sans nourriture, sans habits. Qui blâmer ? Est-ce la mère nature ? Ou bien serait-ce le gouvernement ? Que faire ?
L’univers pleure, la faune soupire.
Je suis une créature vivant dans les eaux de la Rusizi, remuant ma queue, à la quête de mon habitat. Je n’y arrive pas. L’humain prêt, âme et cœur, d’enfoncer cet objet dur plus que le bois, dur plus que mes dents, cet objet froid comme la mort, rapide à faire couler cette substance rougeâtre qui me laisse à chaque fois dans des douleurs mortelles, qui d’autres fois a coulé sur la peau de mon bien.
Ça me ronge, ça me possède, ça réveille une colère, une envie de vengeance, de jouir de la souffrance de l’humain, agonisant quand, à mon tour, je ferai couler sa substance rougeâtre. Je me rappelle comme si c’était hier, ces beaux moments, où les eaux étaient toujours abondantes, agréables à voir, nous étions nombreux, nous chassions nos proies paisiblement, oh que la vie était agréable !
L’humain, un jour a versé des déchets aux odeurs fétides dans notre rivière, a coupé nos arbres, a rendu nos eaux amères et inhabitables. Nous sommes devenus, tout d’un coup, des animaux sans abris, ni nourriture, notre espèce s’est effacée petit à petit. L’humain ne fait que nous prendre tout ce qui nous appartient. La nature pleure, les larmes de crocodile coulent. Que faire d’autre que de se venger.
Je décide de monter à la surface, je cherche à faire couler la substance rougeâtre, symbole de victoire contre mon adversaire ; les plus faibles sont les plus favorables dans ma quête de victoire, les moins protégés sont ma cible facile.
‘Inyamaswa ndi, Ngona igoheka ikoga ibiyaga, Umurizo wanje wizunza uko ibihe bihita, Ibiyaga n’inzuzi n’ubwami bwanje. Imvura n’umukunzi wanje, Ikigwa Je Je Je, Bwije inkuba ngo Twaaa, Je n’ingabo zanje tukihereza imihanda inganda tugatikiza, Akaruru kakarurumbira mu mitima yabatubonye. Sitwe! Nibidukikije bitwibukije kugarura ikibanza n’agateka mwatwatse, kuberako mutabikingiye ariko mwabomaguye, Nyamaswa ndaje!’ |
La pluie est encore là, comment pourrions-nous nous protéger contre les inondations cette fois-ci ?
Une annonce de la part du gouverneur du village nous a donné des mesures à prendre quand ces moments arriveront. Elle a cité quatre moyens principaux qui serviront à se protéger.
Être sûr de toujours fermer nos portes et fenêtres.
Mettre en sécurité nos biens domestiques comme nos bétails lors des inondations.
Être sûr de prendre suffisamment de nourriture et de secourir les mineurs.
Écouter les conseils fournis par les agents du gouvernement sur la lutte contre les inondations.
Les moyens de construction d’une barrière de sacs pour réduire la montée des eaux ont été démontrés, la technique de secours avec une corde a aussi été démontrée, en cas de manque d’une bouée de sauvetage. La femme a aussi été rappelée de son rôle important dans la protection de sa famille, de toujours être prête à se battre sans toujours dépendre de son mari.
Le théâtre, qui était plutôt inclusif, en laissant le public participer à toutes ces démonstrations, fut court mais riche.
Questions pour des champions.
L’OIM avait préparé des questions qui englobaient le thème de la journée et rappelaient l’utilité des arbres, les moyens de protéger l’environnement. Une question bien répondue donnait droit à la personne gagnante, à un lot de récompense comme un bidon ou un seau, un cahier, un stylo, un parapluie ainsi qu’un savon.
Les dégâts causés par l’inondation affectent tout le monde, grands ou petits, riches ou pauvres. Réduire les déchets plastiques, planter des arbres, et sensibiliser la communauté à prendre en compte l’importance des arbres et à réduire les forages pour éviter la montée des eaux souterraines, sont les seuls moyens de rendre nos terres meilleures.
‘On a aimé cette petite illustration sur l’inondation. La hausse des eaux du lac est un effet que je n’avais jamais vu de ma vie, jusqu’au jour où la pluie est tombée et a pris tous mes biens ainsi que ma maison. J’ai appris beaucoup sur l’inondation de telle sorte que si on était exposé à une telle situation encore, je saurais comment protéger ma famille et ce que je possède.’
– Kwizerimana Noëlla, femme qui vit sur ce site avec son mari et ses enfants.
‘Avant d’être inondé par les eaux du lac, on avait nos propres parcelles, on était des fermiers, moi et ma famille consommions ce que l’on cultivait, après être arrivé ici, nos enfants souffrent des maladies des mains sales. J’ai eu l’occasion de donner une réponse à la question : ‘Quelles sont les causes de l’inondation ?’. Le changement climatique, la pollution qui conduisent directement à la montée des eaux de nos lacs et rivières.’
– Niyongabo Mélance, cultivateur et père de famille.
‘Je rêve d’avoir une maison durable comme celle que l’on avait avant. Mes amis, mes voisins et les révisions faites à la lumière de l’électricité me manquent. Je remercie ceux qui ont préparé ces enseignements, ça m’a aidé à gagner un bidon qui facilitera le stockage de l’eau potable.’
– Iteriteka Annie Clairia, petite fille de 11 ans, élève en 4è année primaire.
On apprécie votre appui sur la sensibilisation aux conséquences de l’inondation. Ce théâtre a été d’une grande importance car le public s’est retrouvé dans chaque acte présenté. On remercie les organisateurs pour l’idée de la distribution de ces matériaux qui seront sans aucun doute d’une grande utilité dans la vie quotidienne.’
– Assistant du Chef de Zone.
Après ces échanges constructifs, notre journée fut close. Le cœur rempli d’amertume, et de tristesse, on se sentait dorénavant inclus dans ce combat, qui ne cessera que quand l’humain sera prêt à respecter l’écosystème, à essuyer les larmes de mère-nature et à bâtir un monde meilleur, un avenir plein d’espoir.