Dorcy Rugamba était à Buja Sans Tabou du 06 au 11 février 2023 pour prodiguer un atelier sur la direction d’acteur à 10 jeunes Burundais dans le cadre du projet “Intara Zirakina” de la Troupe Lampyre. Il nous a accordés un entretien sur son œuvre et ce qu’il pense des enjeux autour de l’ecriture dans la région des Grands Lacs et dans le monde.
Décrit dans le monde comme un écrivain engagé sur la thématique des violences et de gestion des mémoires, Dorcy assure que c’est une étiquette difficile à porter : « Moi, je n’aime pas les étiquettes et être enfermé dans des cases. Aucun écrivain ne voudrait de ça. Il faudrait vraiment se fermer les yeux pour ne pas traiter un sujet qui est là, qui est omniprésent. C’est même une responsabilité que nous avons pour que notre histoire ne soit pas racontée par d’autres, par l’extérieur. »
Sur le fait de savoir si les écrivains doivent se porter ou être considérés comme des ambassadeurs de leurs pays, de leurs peuples Dorcy assène : « L’écrivain ne peut être que le porte-parole de sa propre voix parce qu’une entité, un peuple, un pays, c’est trop grand : Il y a des opinions divergentes difficiles à cerner. Mais un écrivain peut néanmoins s’intéresser à un terroir, narrer les récits de celui-ci et le faire connaître au monde. Mais pour autant, je ne dirais pas qu’un écrivain doit se donner une mission d’ambassadeur.»
Dorcy est également revenu sur l’importance d’écrire en langues locales: « C’est une grande question. À titre personnel, le français me permet de communiquer aux Maliens, aux Sénégalais que ne me le permettrait mon Kinyarwanda maternel, mais ces langues ont fini par couper les écrivains de leurs bases. Faire que ceux-ci écrivent pour l’extérieur et pas pour leur peuple. C’est important alors de revenir en langue locale pour qu’il ne soit pas hors-sol, déconnecté par ceux dont il fait le portrait. »
Pharmacien de formation, Dorcy est connu dans le monde comme pharmacien littéraire, distributeur des comprimés qui réparent les âmes, souffleur d’espoir. Et ses comprimés, autant dire qu’il ne les donne pas au compte-gouttes, son florilège œuvre comprend plusieurs travaux littéraires, plusieurs ouvrages dont « Marembo » en 2005 et « Bloody niggers ! » en 2007 et des collaborations avec des figures littéraires comme Felwine Sarr, Peter Brook et autres.
Formé au Conservatoire Royal de Musique de Liège dans le département d’art dramatique. Dorcy Rugamba est aussi initiateur de pas mal de projets littéraires et artistiques : en 2001, il fonda à Kigali les Ateliers Urwintore, un espace de création contemporaine. En 2012, il crée Rwanda Arts Initiative, un centre d’art dédié aux entrepreneurs culturels et il monta en 2019 d’une maison d’édition, Moyo qui s’est donné pour mission de publier des auteurs dans les langues africaines, sa première publication étant une traduction en kinyarwanda du roman Petit Pays de Gaël Faye.
Dorcy Rugamba assure que l’avenir du théâtre burundais est en de bonnes mains au vu de la détermination, la volonté d’apprendre et d’assimiler vite des jeunes qu’il a eus à former.