La pièce «Chez Papy» se propose de faire tomber les rideaux sur les violences faites aux filles et femmes, d’être clair sans tomber dans la méchanceté ou pire la lapidation de tout un genre par un autre.
Prendre le risque d’importuner tous les spectateurs masculins, agacer, mais surtout ne pas laisser indifférents. Voilà l’exercice auquel se sont livrées Laura Sheila Inangoma et Hilde Baele, qui ont coécrit la pièce «Chez Papy», mis en scène par Freddy Sabimbona et présentée ce jeudi 08 Décembre 2022, dans le cadre des 16 Jours d’Activisme contre les Violences Basées sur le Genre (VBGs), à Buja Sans Tabou.
Cette œuvre financée par les ONGs Impunity Watch, Cord, et American Friends Service Committee lève un pan sur les violences subies par les femmes au quotidien. À commencer par les violences conjugales – Mongo Beti auteur de « Perpétue ou l’habitude du malheur », s‘il avait été là, se serait fendu d’un « Kanyana ou l’habitude du malheur. »
La jeune femme désabusée entre «Chez Papy», un salon de coiffure où se déroule toute la pièce, au même moment que Félicité, une jeune fille qui se prépare au mariage. Surprenant le coiffeur Papy en train de se déhancher allègrement pas sur le morceau de musique Simoni Yananiye. Le contraste entre les deux femmes est vite remarqué : Félicité est une citadine, Kanyana de par sa pudeur doit-être une paysanne et peu gâtée par la vie.
Félicité attend impatiemment son jour de mariage – le rêve ! Coquette, elle est venue juste pour choisir quelle coiffure mettra à son mariage et ne tient en place, ne cessant d’importuner tout le monde, pour l’aider à se décider. Mais le mariage n’est pas un long fleuve tranquille, à l’en croire le témoignage de Madame Kanyana.
Celle-ci, l’œil aux aguets comme si elle était sur le qui-vive, l’air abruti à souhait, laisse entrevoir son âme de femme remplie de solitude, de soif de l’amour de peur aussi. Gênée, elle lance à Papy:« Je suis venue des collines parce que mon mari m’a demandé de faire quelque chose pour mes cheveux. Désolée pour ma transpiration.»
Martyrisée dans son propre foyer, elle vient faire une coiffure pour tenter désespérément de séduire son mari qui la trouve si moche. Sauf que Papy ne crée pas : « Papy ntarema !» « Si tu es moche, il peut rien pour toi » , lâche Mama Suzanne, une dame visiblement de haute classe, entrée quelques minutes plus tôt. Malheur. Osera-t’elle rentrer si elle n’est pas suffisamment belle pour faire chavirer le cœur de son mari qui ne lui trouve plus des charmes ?
Le salon de coiffure prend vite des allures de confessionnal, il n’y aucune violence faite à la femme qui n’est pas passée en revue. Chacune des filles/femmes venues se faire coiffer parle des violences a au moins due être victime des VBGs à un moment de sa vie: les sifflements dans la route, la violence physique, l’exploitation sexuelle des jeunes écolières par leurs enseignants, la violence physique comme les attouchements dans les transports en commun: même une nonne n’est pas épargnée! Sœur Maria, désemparée vient se remettre les cheveux en ordre chez Papy après avoir été physiquement séquestrée par un taxi-vélo qui la transportait sur son vélo, en frottant son sexe sur le corps de la sœur, la pauvre se sent souillée, profanée et s’accuse le tort.
Chez Papy parle de toutes les formes de violence y compris mêmes les violences économiques comme Mama Suzanne qui est obligée de donner le numéro de compte de son mari pour le versement de son salaire.
La pièce dépeint l’âme de la société en ce sens où elle dissèque la complexité de la relation entre homme et femme. L’écriture peu encombrée va droit à l’essentiel. Les choses sont plus directes, l’on y perçoit l’émotion de la vérité et de la vie, l’humour et la gravité cohabitent, des larmes naissent dans le rire et la lutte féministe y retrouve de la force vitale.
La soirée a été clôturée un débat autour du thème : « Violence envers les femmes et les filles, l’art comme catalyseur social.» Le panel composé par la comédienne Pepita Mpuhwe, le metteur en scène Josué Mugisha, l’experte Nathalie Menyimane ainsi que la cinéaste Diane Kaneza qui assurait la modération ont convergé à admettre que l’art présente des grandeurs potentialités de toucher beaucoup de gens, changer leurs perceptions et mentalités d’où il est incontournable dans la lutte féministe. Qu‘abondent des pièces théâtrales pour sensibiliser la population à la lutte contre les VBGs au Burundi et mon peuple ne périra point par ignorance.
Lena
Well done guys.