La ville de Bujumbura, après nous avoir révélé ses entrailles, nous invite à l’acte de nous rappeler des choses. De faire usage de nos capacités à pouvoir convoquer le passé et laisser croître en nous le bonheur de croire en une existence qui a du sens et en une évolution qui nous rempli de ferveur. L’acte dramatique de nous souvenir de nous même, revoir avec passion et émerveillement ce qu’on est devenu, ensemble.
Notre parcours figé en archives refuse de fondre dans notre peine de ne pouvoir faire autre chose qu’arroser les yeux du corps et ceux de l’âme qui, elle même, est devenue amnésique depuis qu’on l’a mal placée dans sa propre histoire.
On prend alors rendez-vous avec les mémoires pour que le pays se souvienne encore de ses doux rêves, de ses folies de jeunesse, du mal qu’il a eu à s’occuper de lui même, des larmes qui ont irriguées ses collines pendant qu’il négociait sa survie aux érudits les plus honorables. Il est important que nous y soyons présents, nous pauvres témoins de la fin joyeuse de la constipation historique qui a résisté à plusieurs intelligences, pour l’enterrer là où on avait enterré la vérité que le pays doit à ses enfants. C’est à dire dans l’oubli.
Sauvons nous de l’oubli. Tuons cet éléphant qui ne cesse de grossir en nous. Brisons ce tabou qui nous suce la conscience jusqu’à nous arracher la vie. Obéissons à l’appel à l’union pour défier le temps et oser le traverser sans réveiller les cochons, sans se faire violence. La culture de la parole doit renaître en nous, l’amour aussi. Cette rencontre avec nos traces et nos ombres est une occasion d’étendre notre souffle à ceux qui ne sont plus et à ceux qui se rappelleront de nous.
On a pas le temps
de se moquer du vent
quand l’amour qu’on met au monde
chasse la lourdeur des pénombres.
Ceux qui ont utilisé la mort
pour blesser les corps
ignoraient la grandeur
d’une vie qui a vaincu la peur.
Nous avons le devoir de rassurer le Burundi, que son destin se dessine dans la bravoure des âmes lucides, nous devons lui rassurer qu’il est porté dans les cœurs des survivants, qu’il ressemble toujours à ses mères et que ne pas se reconnaître face à son histoire est déjà une part de guérison. Tant que le lait de ses vaches n’est pas encore épuisé, il y a encore de l’espoir. On a pas encore tout dit, on a pas encore tout écrit. Les gardiens de l’honneur n’ont pas encore assez crié pour que les génies des rêves se réveillent et agissent.
Claudia
Mon Dieu…